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Istòri de la Gascounhe e dou Biarn

Le texte ci-dessous est tiré de l'excellent ouvrage de Paul COURTEAULT, Histoire de Gascogne et de Béarn, Paris ancienne librairie, Furne Boivin & Cie, éditeurs  1938, (avant-propos).

 

 

 

LANGUE ET HISTOIRE

La Gascogne est la portion du sol français approximativement comprise entre l’Océan Atlantique à l’ouest, les Pyrénées au sud, le cours de la Garonne à l’est et au nord. C’est l’Aquitaine de César. Au VIe siècle de notre ère, elle devint la Vasconie. Vasconia a donné Guasconia, Gascogne. Et ce nom a prévalu.

Cette région n’a pas d’unité politique. Auguste étendit le nom d’Aquitaine aux pays entre Garonne et Loire. Au IIIe siècle, l’Aquitaine avait repris ses limites naturelles, mais il s’était constitué, à l’intérieur, une province distincte, la Novempopulanie. En 1258, le traité de Paris ajouta au duché de Gascogne trois pays situés au nord de la Garonne : Périgord, Limousin et partie du Quercy. Cet ensemble constitua le duché de Guyenne. En Gascogne, le nom de Guyenne a été attribué à la partie occidentale de la région, plus étroitement sous la dépendance de la couronne d’Angleterre de 1258 à 1453.Les limites de la Guyenne ont varié au cours des siècles. En 1789, le gouvernement militaire dit de Guyenne et Gascogne comprenait, eu dehors du triangle proprement gascon, le Périgord, le Quercy, et le Rouergue. A la même date, l'archidiocèse d'Auch était entièrement gascon; celui de Bordeaux, qui étendait au nord son obédience jusqu'à Poitiers et Luçon, ne l'était que par les diocèses de Condom et de Bazas. Les Parlements de Bordeaux et de Toulouse se partageaient la Gascogne, très inégalement d'ailleurs. Le nombre et les limites des intendances ont varié au XVIIe  et au XVIIIe siècle. Enfin, au pied des Pyrénées, le Béarn a conquis de bonne heure son autonomie, et, devenu pays souverain, a eu ses institutions et son histoire particulières, celle-ci, d'ailleurs, intimement liée à celle de la Gascogne. Une région plutôt qu'une province, et qui semble avoir été incapable de se confiner dans ses bornes naturelles, c'est la Gascogne.

Elle a pourtant une unité, l'unité linguistique. Le triangle compris entre Océan, Garonne et Pyrénées parle — l'enclave basque exceptée — une langue commune, le gascon. Cette langue est parfaitement distincte du languedocien, parlé à l'est du fleuve, du périgourdin et du saintongeais, parlés au nord. C'est un idiome intermédiaire entre les parlers du Languedoc et l'espagnol, avec lequel ses rapports deviennent d'autant plus étroits qu'on se rapproche davantage des Pyrénées. Le domaine du gascon s'étend, le long de la frontière pyrénéenne, depuis le pic de Brougat (Ariège) jusqu'au pic d'Anie (Basses-Pyrénées), où commence le domaine du basque. Le gascon s'enfonce en coin dans le basque sur trois points : il englobe, au sud de Bayonne, Biarritz et Anglet, puis tout le canton de Labastide-Clairence, à l'exception de Briscous, Ayherre et Isturitz, enfin Montory dans le canton de Tardets. A l'est, le gascon comprend l'arrondissement de Saint-Girons et la partie de celui de Pamiers à l'ouest de la Lèze, affluent de l'Ariège. Sa limite passe ensuite entre l'Arize et le Volp, affluents de la Garonne, atteint le fleuve à Carbonne et le suit désormais, hors un léger recul aux abords de Toulouse. Dans le Tarn-et-Garonne, la vallée du fleuve est languedocienne. Le parler d'Agen tient plutôt du languedocien. Mais le gascon occupe toute la rive gauche et, en aval d'Agen, il déborde sur la rive droite, à Port-Sainte-Marie, Clairac, Tonneins et Marmande. Dans la Gironde, il déborde encore plus, comprend tout l'Entre-deux-mers, à l'exception d'un petit flot de langue d'oïl, dû à des immigrations, la Gavacherie de Monségur. Il atteint la Dordogne à Castillon, la suit par Libourne, Fronsac, Saint-André-de-Cubzac et finit entre Bourg, qui est gascon, et Blaye qui est saintongeais. Bordeaux est gascon. La langue enfermée dans ces limites n'est pas partout la même. Luchaire y a distingué six dialectes: les trois de la montagne, béarnais, bigourdan, commingeois; les trois de la plaine, landais, armagnacais, girondin. Ces dialectes se subdivisent eux-mêmes en sous-dialectes. Mais tous ont des traits communs (1).

Il est une autre unité, dont il est peut-être permis de faire honneur à la Gascogne c'est l'unité de tempérament et d'esprit. Le Gascon est, par nature, homme d'action. Agir - ou s'agiter - est pour lui un besoin instinctif. Il s'explique par les traits de son caractère. Et d'abord, il est fier, il a un très haut sentiment de sa dignité, de sa valeur personnelle. Si on fait mine de l'offenser ou de le railler, il se cambre, il se cabre, il met flamberge au vent, se dresse, l'épée ou le verbe haut. Sa fierté a un envers: la vanité, la jactance, un naturel penchant à la vantardise et à la hâblerie. La fierté gasconne a engendré un sentiment très noble, l'amour de l'indépendance, et aussi un autre, personnel, l'ambition, la passion d'être le premier. En second lieu, le Gascon est brave. Le Gascon pleutre et rodomont est un Gascon légendaire. Le vrai Gascon aime et recherche le danger, risque sa peau avec allégresse, sait se battre et mourir. La Gascogne a produit une admirable lignée d'hommes de guerre. Elle a toujours été un « magasin de soldats », depuis Barbazan, La Hire et Xaintrailles, qui aidèrent Jeanne d'Arc à bouter l'Anglais hors de France; et les combattants des guerres d'Italie, héroïque piétaille poussant ses cris de guerre : Biahore! Houec et sang! Pics et patacs!; et les capitaines des guerres civiles, huguenots et catholiques, fidèles compagnons de Henri de Navarre, le roi des Gascons; et ce grand cavalier de la guerre de Trente ans, celui que Richelieu appelait La Guerre, Jean de Gassion; et les mousquetaires de Louis XIV, au premier rang Charles de Batz-Castelmore, le légendaire d'Artagnan; le Béarnais Jean- Baptiste Ducasse, chef d'escadre au même temps; jusqu'aux soldats de la République et du Premier Empire, Lannes et les douze généraux qu'a produits en vingt ans Lectoure, Bernadotte de Pau, Espagne et Dessolle d'Auch, Castex de Pavie, Lamarque de Saint-Sever, Lanusse de Habas, Caunègre de Moliets, Lanabère d'Orthez, Nansouty de Bordeaux, Harispe, le chef des chasseurs, basques, le hussard Guindey de Laruns... jusqu'à ceux des campagnes d'Afrique et de nos expéditions coloniales, les Béarnais Bosquet, Camou, Poeymirau; l'Auscitain Jean Laborde, pacifique conquérant de Madagascar; jusqu'à Joseph Galliéni, de Saint-Béat et Ferdinand Foch, de Tarbes. Le catalogue des soldats gascons, s'il était drapé, serait homérique.

S'il est fier et brave, le Gascon n'est pas téméraire. Il est capable de raisonner et de réfléchir, non par modestie et sens de la mesure, mais par prudence. Il sait se tirer d'un mauvais pas. C'est qu'il a l'esprit naturellement vif et alerte, souple et rebondissant sans peine. C'est aussi qu'il a le verbe facile, l'éloquence toujours prête. La Gascogne a été un pays d'orateurs, de diplomates, de courtisans spirituels et raffinés, une pépinière d'hommes politiques, voire d'hommes d'Etat. Ces gens-là ont le sens pratique des réalités. Ils savent ce que parler veut dire. Ils ne sont jamais dupes de leurs hâbleries. C'est qu'au fond, le Gascon est sceptique. Il n'ignore pas que pour réussir — et réussir, c'est sa grande affaire — il faut savoir « céder au temps ». « Paris vaut bien une messe » : cette boutade célèbre, mise par la légende dans la bouche de Henri IV, exprime bien ce scepticisme. Et ce sens des réalités explique encore que le Gascon n'est ni poète, ni artiste. La prédominance de l'esprit pratique bride chez lui le sentiment, le goût du rêve. Ses poètes seront spirituels, ironiques, mais ils ignoreront les grands élans lyriques, ils ne traiteront que des sujets à mi-côte. Il n'y a pas d'art gascon : tout, en cette matière, est d'importation extérieure. En revanche, les Gascons seront des conteurs pleins de verve, des moralistes pénétrants, maîtres incomparables dans l'étude de l'homme et des hommes : ils auront Monluc, Montaigne et Montesquieu.

Ces caractères sont communs à toute la Gascogne. Sans doute, comme il y a des différences entre les divers dialectes qu'elle parle, il y a des nuances entre les gens des divers pays qui la constituent. Le Gascon de la montagne n'est pas le Gascon de la plaine. Le Béarnais, ce Normand du Midi, ne ressemble pas au Bigourdan, plus rude et plus agreste. Le laboureur robuste de la riche Chalosse diffère du Lanusquet maigre et sobre comme le pin qu'il entaille de son hapchot. L'homme des plateaux d'Armagnac a moins de sociabilité que le riverain du grand fleuve. Mais tous, bergers des vallées pyrénéennes ou pêcheurs de la côte basque, résiniers des Landes ou vignerons du Médoc et de l'Entre-deux-mers, « brûleurs » d'Éauze ou éleveurs de chevaux de la plaine de Tarbes, sont d'une même famille : paysans attachés à la terre « mayrane» (2), endurants et énergiques, soucieux de gagner et économes, positifs et sceptiques, gaillards et brocardeurs, puisant leur force dans le vin, source de vie et de joie, héritiers d'une grande histoire, et qui mérite d'être contée.

1. Absence du v (vitellus = betèt; vicinus = besin; répugnance pour f initial (frumentum = roumen; frigidus = rét), répugnance pour r initial (ramus = arram; rota = arrodo) suppression de n entre deux voyelles (luna = luo; minare = mià); mutation de ll médial en r (novella = nabèro; gallina = gario) ; mutation de ll final en t (castellum = castet; cultellum = coutet); résolution de 1 final en u (coetum = cèu; malum = mau).
2. Mayrane, syncope de may-grane, mère-grand, aïeule.